Être membre de l’Église & discipline d'Église
Il faudrait un système de membres même si l’état ne le demandait pas
Ce qui suit est un brouillon de réflexions qui visent à défendre la membriété d’un point de vue biblique. Le point 1 n’est pas développé, car le contenu se retrouve dans le petit livret mentionné. Les autres points sont développés, mais mériteraient d’être retravaillés pour être clarifiés. De manière générale, ce qui suit n’est pas un article complet, mais des réflexions « en vrac » pour aider notre réflexion. Je l’ai écrit spécifiquement pour l’Intensive, pour que vous puissiez le lire et suggérer vos modifications, ajouts, corrections, etc.
Toutes nos églises francophones connaissent un système de membres. Être « membre » ou « non-membre », être voté, avoir une AG, etc. Ces choses sont requises par l’état, comme elles le sont de toute autre association, pour simplement exister en tant que groupe organisé.
Le but de cet article est de démontrer que nos églises devraient avoir un système de membres, même si l’état ne le demandait pas. Autrement dit, je vise à montrer que la notion de membre d’Église, ou d’adhésion formelle, émerge de la Bible elle-même.
Bien sûr, je ne parle pas ici de tout ce que la membriété implique dans le contexte francophone : beaucoup de choses sont purement administratives et liées à la pratique que l’état requiert. Je parle plutôt de l’essence de la membriété.
Voici quelques arguments qui vont dans ce sens. Il ne faut pas les prendre de manière isolée : ils s’accumulent les uns les autres.
1) L’Eglise locale est indispensable
C’est clair selon le Nouveau Testament : nous ne pouvons pas vivre la vie chrétienne sans Eglise locale. Le Nouveau Testament n’a pas de catégorie pour un « chrétien sans Eglise ».
Faire partie d’une Eglise locale n’est pas un « bonus », mais un mandat biblique. C’est au sein de l’Eglise que la vie chrétienne se vit.
- Voir les différents éléments mis en avant dans le livret Pourquoi devrais-je faire partie d’une Eglise locale ?
Si l’on prend en compte les données du Nouveau Testament, à quoi donc devrait ressembler la relation entre un chrétien et d’autres chrétiens ? Il ne s’agit pas de papillonner entre plusieurs églises que l’on apprécie, mais d’être focalisé sur un groupe de personnes bien défini. De plus, il est question d’un engagement envers ce groupe. Il ne suffit pas d’être un « consommateur fidèle » sans jamais s’engager. Il est question de plus que juste « assister ». Il est question de s’engager, en mettant en pratique ce que l’Ecriture demande des chrétiens envers ce groupe de personnes particulier. C’est un engagement avec des chrétiens que je connais et avec qui je vis la vie chrétienne, dans un contexte de relations et rassemblement réguliers.
2) Il est nécessaire de savoir qui compose l’Eglise locale
Nous répétons souvent que l’Eglise n’est pas un bâtiment, mais plutôt un groupe composé de personnes. Cependant, qui fait partie de ce groupe ? Qui est l’Eglise ? Si l’on posait la question pour votre Eglise : qui est l’Église de [insérez le nom de votre Eglise], est-ce qu’il y aurait un moyen d’y répondre ?
J’ai l’impression que pour plusieurs églises la limite serait floue : il s’agit peut-être des membres, mais aussi de ceux qui viennent à l’église depuis des années sans jamais être devenus membres, ou de ceux qui servent dans le groupe de musique ou un autre domaine de service sans être membre. Il n’est alors pas simple de répondre à la question : de qui est composé votre Eglise locale ?
Il faut pourtant remarquer que les Eglises du Nouveau Testament avaient conscience de qui faisait partie de l’Eglise et qui n’en faisait pas partie. L’un des meilleurs endroits pour voir cette distinction est 1 Corinthiens 5. Dans le contexte de discipline d’Eglise, Paul exhorte les Corinthiens à juger, non pas « ceux du dehors », mais « ceux du dedans » (1 Corinthiens 5.12). Par ces appellations, Paul distingue entre ceux qui font partie de l’Eglise, ceux qui sont à l’intérieur de l’Eglise, et ceux qui n’en font pas partie. Cette distinction était claire et connue par les Corinthiens : autrement, comment auraient-ils pu savoir qui juger ?[1]
Ensuite, le Nouveau Testament décrit à plusieurs reprises l’Eglise comme une unité composée de parties, en se servant de plusieurs images. C’est le cas par exemple dans 1 Corinthiens 12-27, quand Paul se sert de la métaphore du corps pour enseigner sur la réalité de ce que l’Eglise locale est. L’Eglise est un corps composé de membres : il y a unité (un seul corps) et diversité (plusieurs membres).[2]
Il est clair dans le contexte que Paul ne parle pas de ce que l’on appelle parfois « l’Eglise universelle », mais plutôt, de l’Eglise locale. Il fait référence au baptême aux versets 12 et 13 comme le moyen de rejoindre ce corps, le moyen d’y appartenir. Au verset 27, Paul dit que les Corinthiens (« vous ») sont le corps de Christ (et non pas une partie du corps de Christ). Cette image montre bien que pour Paul, une Eglise locale est une unité composée de parties : il y a certains qui en font partie, il est possible de rejoindre cette unité, et il y a d’autres qui n’en font pas partie.
C’est d’ailleurs intéressant de remarquer que, dans ce chapitre 12 de 1 Corinthiens, Paul exhorte les Corinthiens à avoir « soin les uns des autres » (v.25) et à souffrir et se réjouir avec ceux qui souffrent et se réjouissent (v.26). Pour vivre ainsi, il est indispensable de savoir qui compose l’Eglise, qui sont les autres « membres du corps » envers lesquels je dois vivre ainsi.[3]
Selon ces données du Nouveau Testament, la limite est donc claire : certains font partie de l’Eglise locale et d’autres n’en font pas partie. La limite est connue de tous. Il est possible de répondre à la question « de qui est composé cette Eglise locale ? » en pointant du doigt vers un groupe de personnes bien défini.
3) Rejoindre l’Eglise locale nécessite une certaine formalité
Beaucoup croient à l’importance de l’Eglise locale, et de la vie chrétienne vécue en Eglise locale, sans pour autant adhérer à un système d’adhésion formelle à l’Eglise : le fait de devenir membre pour pouvoir rejoindre l’Eglise leur semble superflu.
Pourtant, même si l’on mettait de côté le système administratif de membre requis par l’état, il serait nécessaire d’avoir un autre système formel pour définir qui fait partie de l’Eglise et qui n’en fait pas partie.
D’abord, parce que ceux qui font partie de l’Eglise locale doivent être des chrétiens authentiques. Si l’Eglise locale est un groupe de personnes qui ont été sauvées par la grâce de Dieu et qui veulent le suivre, il est nécessaire de s’assurer que ceux qui sont considérés comme faisant partie « du dedans » (cf. 1 Co 5.12) soient réellement chrétiens. Bien sûr, nous ne pouvons pas lire les cœurs : nous nous reposons sur une profession de foi authentique. Cependant, nous devons faire le travail de nous assurer que cette profession de foi est bel et bien authentique. Ne pas faire cela reviendrait à mettre à mal le témoignage de l’Eglise.[4]
Ensuite, une formalité est nécessaire car nous devons nous assurer que ceux qui font partie de l’Eglise, ceux qui sont considérés comme étant « à l’intérieur », soient en accord avec la confession de foi de l’Eglise, la doctrine qui y est enseignée.
Enfin, une autre raison a été donnée au point précédent : il faut que la limite entre ceux qui font partie de l’Eglise et ceux qui n’en font pas partie soit claire et connue de tous.
Dans nos églises francophones, plusieurs personnes sont considérées comme faisant partie de l’Eglise, et considèrent cette Eglise comme la leur, simplement parce qu’ils assistent au culte aux réunions régulièrement. Ou simplement parce qu’ils ont été ajoutés à la liste d’emails, ou parce qu’ils servent dans un domaine ou l’autre.
Nous devons réaliser les dangers qui s’associent à une telle approche. En considérant ceux qui assistent régulièrement comme faisant partie de l’Eglise, on valide de manière informelle leur profession de foi. On les appelle « frères et sœurs », les autres personnes les considère comme faisant partie « des leurs », et ainsi de suite. Pourtant, comment savoir si ces personnes ont une profession de foi crédible ? Comment savoir si elles sont en accord avec la doctrine de l’Eglise ? Par une telle pratique, nous risquons de donner une fausse assurance aux chrétiens qui ne le sont que de nom.[5]
Si l’Eglise est un engagement envers un groupe défini de personnes (voir le point 1), nous voyons donc qu’il doit s’agir d’un engagement formel et publiquement reconnu : on sait qui a pris cet engagement et qui ne l’a pas pris.
Est-ce que la formalité est vraiment nécessaire ?
La Bible ne requiert pas nécessairement un système de membre aussi formel et administratif que ce que nous connaissons en francophonie, je le reconnais. Cependant, nous devons être au clair qu’une certaine formalité existera toujours :
- Il doit y avoir un moyen de définir qui compose l’Eglise (qui en fait partie et qui n’en fait pas partie)
- Il doit y avoir un moyen de s’assurer que ceux qui rejoignent l’Eglise, qui sont considérés comme en faisant partie, aient une confession de foi crédible, et soient en accord avec la doctrine de l’Eglise
- Il doit y avoir un moyen d’expliquer à ceux qui rejoignent l’Eglise la nature de cet engagement
- Il doit y avoir un moyen pour ceux qui font déjà partie de l’Eglise de savoir qui rejoint l’Eglise
- Selon mes convictions congrégationalistes, je crois qu’il faut également un moyen pour l’église d’être « l’acte final » qui accepte quelqu’un en tant que membre (que ce soit par un vote formel ou par un autre moyen qui reconnaît que l’assemblée détient l’autorité ultime)
Il peut y avoir différentes manières de mettre en pratique ces éléments, certaines plus sages que d’autres. Cependant, la mise en pratique de ces éléments va nécessairement amener une certaine formalité. Nous pouvons nous demander : est-ce que la pratique de la membriété de mon Eglise permet de bien vivre ces différents élements ?
Jonathan Leeman offre deux critères qui vont nécessiter que la membriété soit plus ou moins formelle :
- Le critère de taille : Plus une église est grande, plus il faut que cela soit formel. A l’inverse, plus une église est petite, moins la formalité est nécessaire. Si l’Eglise n’est composée que de 10 personnes, par exemple, c’est assez facile de savoir qui fait partie de l’Eglise et qui n’en fait pas partie. Si l’Eglise est composée de 100 personnes, c’est plus difficile sans un système formel.
- Ce que veut dire être chrétien : Si nous sommes dans un contexte où il y a beaucoup de chrétiens de nom, alors plus de formalité est requise, notamment pour s’assurer que ceux qui rejoignent l’Eglise sont bel et bien nés de nouveau, autant que l’on puisse juger.[6] En revanche, dans un contexte où devenir chrétien entraîne la persécution, le fait que quelqu’un dise appartenir au Seigneur et vouloir rejoindre l’Eglise est une profession de foi déjà bien crédible, qui ne requiert pas beaucoup plus de formalité.
- Réflexion : Est-ce que la même logique est à l’œuvre en 1 Jean 2.19 ? A ce stade, je crois que c’est probablement un peu différent et moins direct qu’en 1 Corinthiens 5.
- C’est la même chose dans Éphésiens 4.16, quand il est parlé de la croissance du corps. Dans le contexte, c’est bien de l’Église locale dont il s’agit. (Ajouter d’autres exemples ?)
- Il me semble que cet argument vient de Bobby Jamieson. A vérifier.
- Sur base de Matthieu 16 et 18, Jonathan Leeman met en avant la nécessité pour une Eglise de s’assurer de la bonne confession et que cette personne est un bon confesseur. (A reformuler !)
- Il faudrait aussi ajouter qu’une telle pratique ne permet pas de mettre en place la pratique biblique de discipline d’Eglise.
- Par exemple en faisant un entretien de membre pour entendre leur témoignage, leur compréhension de l’Evangile, etc.
Cet article a été publié à l’origine par BLF éditions et TPSG.