Leadership
L’approche du « marché libre réglementé » pour le ministère de miséricorde
Laissez-moi vous raconter l’histoire de l’approche de deux églises en matière de ministère de miséricorde (ministère pour les besoins physiques des non-chrétiens locaux).
L’église « Miséricorde-pour-notre-ville » parle beaucoup du ministère de miséricorde. Leur personnel est infatigable dans le soin des pauvres, bien que l’église soit claire sur le fait que le ministère de la Parole est primordial. Ils annoncent des dizaines de ministères axés sur la miséricorde sur leur site web et dans des annonces pendant le culte. Leurs membres aiment faire partie d’une église qui prend la justice sociale au sérieux.
Mais quand on dissèque la vie des membres, on se rend compte que leur souci des pauvres commence et s’arrête en grande partie aux activités de l’église. Ils s’inscrivent volontiers une fois par mois pour livrer de la nourriture et des tracts sur l’Évangile dans les logements à faible revenu, mais ils ne connaissent pas vraiment leurs propres voisins. Curieusement, l’engagement très public de l’église dans les ministères de miséricorde a atténué la responsabilité que les membres individuels ressentent pour s’occuper des pauvres dans leur propre entourage. Et c’est plus qu’un peu gênant lorsque « les pauvres » se présentent pour faire partie de l’église : l’église « Miséricorde-pour-notre-ville » semble penser que « les pauvres » sont « eux » et non « nous ».
Et puis il y a l’Église réformée « Nous-sommes-les-élus ». Son personnel pastoral a veillé à ce que la mission de l’église locale reste simple, comme Jésus l’a voulu. Leur travail consiste à faire des disciples de toutes les nations, et donc l’église en tant qu’institution se limite à proclamer l’évangile et à faire des disciples de tous les croyants. « Aime ton prochain » est prêché depuis la chaire alors que le pasteur prêche fidèlement à travers les évangiles. Mais l’effet n’est pas tout à fait ce que le pasteur souhaite.
Le quartier de l’église comprend une importante population de réfugiés d’Afrique de l’Est ayant des besoins physiques importants. Le pasteur ne peut pas désigner un membre en particulier et dire qu’il ou elle est « dans le péché » pour avoir ignoré ces besoins. Après tout, ses membres sont assez occupés à faire de bonnes choses de leur vie. Mais le fait que personne ne considère ces réfugiés comme une priorité ne semble pas correspondre à ce qu’il voit dans le Nouveau Testament.
MINISTÈRE PROGRAMMATIQUE ET MINISTÈRE ORGANIQUE
Comment votre église locale devrait-elle soutenir les ministères de miséricorde ?
Parfois, nous pensons que la réponse ne se trouve que dans l’une des deux catégories – les options de l’histoire ci-dessus. Dans la première catégorie, que j’appellerai « ministère programmatique », les églises intègrent un ministère de miséricorde dans leur vie institutionnelle. Elles affineront leurs budgets, leur personnel et leurs principes pour s’assurer que le ministère fait partie intégrante de ce qu’elles sont en tant qu’église.
Dans la deuxième catégorie, que j’appellerai « ministère organique », l’église laisse simplement la responsabilité du ministère de miséricorde entre les mains de ses membres.
CES DEUX APPROCHES PEUVENT ÊTRE INSUFFISANTES
La première catégorie intègre le ministère de miséricorde dans l’église institutionnelle, la seconde le laisse à chaque chrétien. Bien que ces deux approches puissent être appropriées dans des situations différentes, elles peuvent parfois ne pas être suffisantes.
Prenez par exemple un ministère de formation professionnelle. D’une part, devrions-nous intégrer la formation professionnelle dans la structure de notre église en tant que ministère programmatique ? Probablement pas. Bien qu’elle soit importante, la formation professionnelle des non-chrétiens dans le besoin ne fait pas partie intégrante de la mission que Jésus nous a donnée en tant qu’église, alors que le ministère de la Parole l’est. Et je veux que ma congrégation comprenne que le ministère de la Parole est quelque chose que nous devons faire en tant qu’église locale. La formation professionnelle est une chose que chaque chrétien peut trouver utile dans ce qu’il doit faire : obéir au commandement de Jésus d’aimer son prochain.
D’autre part, étant donné les spécificités de ce ministère de la formation professionnelle, je ne voudrais peut-être pas non plus le laisser aux membres en tant que ministère organique. Peut-être que les membres de ma congrégation, laissés à eux-mêmes, ne prendront pas autant d’initiatives qu’ils le devraient pour prendre soin de leurs voisins dans notre communauté. Peut-être que si nous ne mettons pas en avant au moins certains ministères comme celui-ci, ils penseront que des domaines de service comme celui-ci sont sans importance pour la vie chrétienne.
L’approche programmatique aide efficacement les chrétiens à aimer leur prochain, mais elle peut compromettre la primauté de la prédication pour l’église institutionnelle. L’approche organique confère la première place qui lui revient à la Parole et la maintient au centre, mais elle peut pousser le ministère de miséricorde trop loin de l’écran radar des différents chrétiens qui composent l’église.
UNE TROISIÈME OPTION : LE SOUTIEN RÉACTIF DU MINISTÈRE DE MISÉRICORDE
Il est donc utile d’envisager un troisième niveau de soutien, que j’appellerai « ministère réactif ».
Dans ce modèle, nous dirigeons avec la prédication de la Parole, y compris des commandements comme « aime ton prochain ». Ensuite, en tant que responsables d’église, nous observons où cette Parole prend racine et fleurit en action, et nous réagissons en utilisant les ressources de l’église pour soutenir les éléments les plus stratégiques de ce travail. Ces ressources peuvent comprendre :
- des budgets, des moyens ;
- la coordination de ressources bénévoles par le biais d’une réunion de prière hebdomadaire ou d’un tableau d’affichage en ligne ;
- la mise en valeur des initiatives des membres dans l’application des prédications,
- et la création d’un poste de diacre pour faciliter ce travail.
Si l’intérêt diminue et que les membres déterminent qu’une initiative ou un ministère différent porterait davantage de fruits, l’église peut lentement réaffecter ses ressources en conséquence.
L’APPROCHE DU « MARCHÉ LIBRE RÉGLEMENTÉ »
Considérez cela comme une approche de marché libre réglementé pour soutenir le ministère de la miséricorde. D’une part, il s’agit d’un marché libre. Plutôt que de dire aux gens comment ils doivent aimer leur prochain (comme le fait en fait l’approche programmatique), nous observons ce qui prend naturellement forme lorsque le Saint-Esprit convainc par sa Parole. Et puis, en réaction, nous soutenons cette activité.
Mais d’un autre côté, il ne s’agit pas non plus d’une approche « laissez-faire » de type capitaliste dans l’église. Nous aidons délibérément les meilleures idées à prospérer, et nous utilisons sans regret les ressources de l’église locale dans ce but.
LES AVANTAGES D’UN MINISTÈRE DÉLIBÉRÉMENT RÉACTIF
L’approche délibérément réactive du « marché libre réglementé » présente un certain nombre d’avantages importants.
Avantages par rapport à l’approche programmatique
Je pense qu’elle est meilleure que l’approche programmatique pour trois raisons. Premièrement, elle accroît la réactivité. En favorisant un « marché libre » des possibilités de bonnes actions, l’approche réactive évite de consacrer de plus en plus le temps et l’argent de la congrégation à des ministères qui ne sont plus des domaines d’investissement de grande valeur.
Deuxièmement, elle laisse la responsabilité à la congrégation. L’approche programmatique peut laisser le ministère de la miséricorde entre les mains des membres qui dirigent l’église, les membres de l’église « externalisant » essentiellement leur responsabilité en la plaçant sur la direction. L’approche réactive laisse l’initiative et la responsabilité strictement entre les mains de la congrégation.
Troisièmement, elle protège la primauté du ministère de la Parole. L’approche réactive établit une distinction claire entre la mission première de l’église (proclamer l’Évangile et faire des disciples) et le rôle de l’église dans la promotion de moyens spécifiques pour que les membres vivent leur obéissance à Jésus dans le monde. L’approche programmatique peut parfois brouiller cette distinction.
Avantages par rapport à l’approche organique
Mais je pense aussi que l’approche réactive présente deux avantages par rapport à l’approche organique. Premièrement, elle élargit la participation. Aussi convaincu qu’un chrétien puisse être de l’Écriture d’aimer son prochain, il est presque toujours plus facile de le faire en se joignant à une initiative existante plutôt qu’en en créant une à partir de rien. En utilisant les ressources de l’église pour coordonner les efforts et faire démarrer de nouvelles initiatives, les responsables de l’église sont en mesure de faire en sorte que les membres mettent les Écritures en pratique plus aisément.
Deuxièmement, elle met l’accent sur la participation. En choisissant les initiatives à mettre en avant et à soutenir, les responsables d’église peuvent concentrer la participation de l’église sur les idées les mieux conçues et qui visent à répondre à la fois aux besoins temporels et aux besoins éternels.
PAS D’ÉCLAT EN SURFACE, MAIS UNE CULTURE PROFONDE SOUS-JACENTE
Dans notre église, nous avons souvent utilisé cette approche réactive pour soutenir le ministère de la miséricorde. Et dans l’ensemble, je suis satisfait du genre d’orientation que le ministère a prise grâce à cette approche.
Quand on regarde notre église pour la première fois, notre souci du prochain ne semble pas particulièrement impressionnant. Il n’y a pas de bannière sur notre site web, pas de brochures au sujet de programmes de distribution de nourriture dans notre hall, pas de « directeur du ministère de la miséricorde » dans notre personnel. Mais quand vous ouvrez l’église, que vous fouillez à l’intérieur et que vous commencez à parler aux membres, vous découvrez tout un monde d’activités. De plus, la plupart de ces activités d’« amour du prochain » sont axées sur l’évangile et sont menées avec d’autres membres de l’église.
En d’autres termes, il n’y a pas d’éclat en surface, mais la culture de la miséricorde est profonde. Et je pense que c’est sain. Nous sommes certainement encore en mesure de grandir dans ce domaine en tant qu’église, mais avec la bénédiction de Dieu, cette approche réactive nous a bien servis.
Cet article a été traduit par Timothée Davi.
Cet article a été traduit et publié à l’origine par Revenir à l’Évangile, un ministère situé au Québec. Rendez-vous sur leur site Web pour trouver des ressources similaires.