Prédication & théologie

Comment une eschatologie biblique protège contre le burn-out pastoral

Par Juan Sanchez

Juan Sanchez est le pasteur prédicateur de « High Pointe Baptist Church » à Austin, Texas.
Article
09.25.2020

Être pasteur donne parfois l’impression d’être sur des montagnes russes émotionnelles pleines de hauts et de bas, de rebondissements et de revirements. Jour après jour, vous regardez les personnes que vous aimez prendre des décisions qui vous apportent de la joie et vous font pleurer, parfois dans la même journée. L’anxiété augmente lorsque vous entendez le clac, clac, clac qui vous entraîne lentement vers le sommet du conflit pour ensuite être poussé vers la chute libre du chaos relationnel, sachant seulement qu’un virage serré est juste devant vous. Personne ne vous reproche de vous sentir dépassé et de vouloir descendre du manège. Vous n’êtes pas seul.

Si nous voulons être fidèles dans notre ministère pastoral, nous devons nous rappeler que nous dirigeons l’église dans une période de tension entre le déjà et le pas encore. Nous sommes appelés à conduire le troupeau de Dieu parmi nous vers la cité céleste, en nous efforçant de le diriger vers Christ et ses glorieuses promesses, et en l’avertissant des dangers de ce monde mauvais, des tentations de notre chair et des plans du diable. Si nous voulons bien faire cela, nous devons comprendre ce que Christ a déjà gagné pour nous ces derniers jours et ce qu’il nous reste à gagner au Jour dernier. Si nous ne parvenons pas à reconnaître cette tension, nous nous retrouverons dans les montagnes russes émotionnelles du ministère pastoral – un parcours qui mène souvent à la déception, au découragement et peut-être même au burn-out pastoral.

LES DANGERS D’UNE ESCHATOLOGIE SOUS-RÉALISÉE

Lorsque nous n’apprécions pas ce que le Christ a accompli pour nous, lorsque nous ne rendons pas compte de ce qui nous appartient déjà grâce à notre union avec lui [1], nous serons tentés par un défaitisme pessimiste. Imaginez que vous doutiez du pardon de Dieu ou que vous remettiez en question votre position devant Dieu. Une telle perspective conduira finalement au désespoir, car vous serez laissé à vous-même pour essayer de vous faire accepter par Dieu. Il sera difficile – presque impossible – de diriger une église tout en étant confronté à de tels doutes tenaces. Plutôt que de courir vers Christ et de vous reposer dans ce qu’il a accompli, vous pourriez être tenté de quitter complètement le ministère.

Mais je soupçonne que la majorité d’entre nous qui continuons le ministère pastoral avons appris à nous prêcher l’évangile. Nous ne pouvons pas douter de notre position devant Dieu, mais si nous avons tendance à un défaitisme pessimiste, nous pouvons douter fonctionnellement de la position des autres devant Dieu. Pensez simplement à la façon dont cette eschatologie sous-réalisée pourrait affecter votre ministère :

  •   La culture : Êtes-vous tenté de considérer ce monde comme si irrémédiable que vous ne vous associez pas avec les non-croyants ? Êtes-vous tenté de croire que les choses sont si mauvaises « dehors » que vous devriez les éviter complètement et encourager votre église à faire de même ?
  •   L’évangélisation : Considérez-vous que certains non-croyants sont au-delà de la grâce de Dieu ? Y a-t-il des non-croyants dans votre vie dont vous êtes convaincu qu’ils ne viendront jamais à Christ, ce qui vous fait penser : « Pourquoi même essayer ? »
  •   Le discipulat : Êtes-vous si frustré par les membres de l’église qui semblent lutter contre les mêmes péchés encore et encore que vous êtes prêt à les abandonner ?
  •   La prédication : êtes-vous arrivé à un point où vous avez l’impression que peu importe votre préparation ou la fidélité de votre prédication, cela ne changera pas grand-chose ?
  •   Le leadership : Avez-vous renoncé à essayer de former des leaders dans l’église parce que vous croyez que personne ne sera à la hauteur des normes bibliques ?

Il n’est pas surprenant qu’un tel défaitisme pessimiste mène au burn-out. Si nous ne nous reposons pas sur l’œuvre que Christ a accomplie pour nous et pour notre peuple, nous serons tentés d’enfiler ses sandales et de sauver les gens nous-mêmes. Nous serons tentés de penser que c’est finalement à nous de changer la culture, de convaincre les non-croyants d’entrer dans le royaume, de travailler à la sanctification de notre peuple, de prêcher des sermons qui transforment des vies, d’élever des leaders bibliques.

Mais ce n’est pas le cas. Nous ne sommes pas le Sauveur du monde, et nous ne sommes pas le Sanctificateur de l’Église. Si une eschatologie sous-réalisée nous fait oublier tout cela, alors l’épuisement est inévitable.

LES DANGERS D’UNE ESCHATOLOGIE SUR-RÉALISÉE

D’autre part, si nous croyons à tort que l’œuvre achevée de Christ nous garantit maintenant des promesses qui ne s’accompliront pas avant la consommation de toutes choses [2], alors nous serons tentés par un triomphalisme trop optimiste. Même si nous ne croyons pas réellement que ce monde est entièrement restauré et que les saints sont pleinement sanctifiés, nous pouvons fonctionnellement nous tenir à une sorte de théologie de la prospérité dans laquelle nous attendons dès maintenant un acompte substantiel sur notre héritage futur. Cela conduit inévitablement à la déception et au doute lorsque Christ ne délivre pas ce que nous attendons à tort de lui.

Pensez également à la façon dont une eschatologie trop réalisée affecte notre ministère :

  •   La culture : Croyez-vous que parce que Jésus est Roi (Éphésiens 1.19-23), nous pouvons aller dans nos communautés et racheter la culture afin de pouvoir cultiver une tranche de ciel ici sur terre ?
  •   L’évangélisation : Avez-vous l’impression que parce que dans ce nouvel âge, le semeur et le moissonneur travaillent ensemble (Jean 4.35-38), vous devriez vous attendre à expérimenter un ministère d’évangélisation fructueux dans votre église ?
  •   Le discipulat : Vous attendez-vous à ce que, parce que nous avons tous l’Esprit, toute votre église aime de façon égale la Parole de Dieu, son prochain, et vous-même ? Pensez-vous que parce que nous allons tous grandir en Christ, votre église ne sera jamais confrontée à des conflits ?
  •   La prédication : Êtes-vous convaincu que parce que Dieu promet que sa Parole ne reviendra jamais sans avoir eu son effet, chaque prédication que vous faites aura un impact durable sur votre congrégation ?
  •   Le leadership : Vous attendez-vous à ce que chaque homme qui désire être un ancien soit qualifié pour servir de telle sorte que vous n’ayez pas besoin de mettre en place des processus pour former des leaders ?

Étonnamment, même un triomphalisme optimiste conduira aussi au burn-out. Pourquoi ? Parce que lorsque nous pensons que nous avons plus de bénédictions futures que nous n’en avons réellement, nous nous exposons à la déception et au découragement. Et la déception et le découragement mènent au doute et au burn-out.

Alors, que faire ?

MAINTENEZ LA TENSION

Si nous voulons maintenir la tension entre le déjà et le pas encore, nous devons renouveler nos esprits et enraciner notre pensée dans l’évangile. Dans sa première lettre, Pierre rappelle aux chrétiens défaitistes d’Asie Mineure que, grâce à l’œuvre de Christ (1.2), ils possèdent déjà un héritage futur qui les attend à la consommation (1.3-4). Déjà, écrit-il, ces chrétiens vivent une époque privilégiée, celle du salut que les prophètes attendaient avec impatience (1.10-12). Mais jusqu’à la consommation, il leur assure qu’ils feront face à des souffrances que Dieu utilisera pour renforcer leur foi (1.5-9).

Ainsi, avec une juste perspective, les chrétiens d’Asie Mineure peuvent vivre au milieu de la souffrance en attendant les bénédictions qui les attendent dans le salut final.

Quant aux Corinthiens triomphalistes (1 Co 4.8-13), Paul les admoneste comme ses enfants bien-aimés (4.14), exposant leur immaturité spirituelle (3.1-4) et les appelant à s’aimer les uns les autres (13.1-13). Comme Pierre, Paul fonde également l’identité des Corinthiens et leur position en Christ. Grâce à l’œuvre de Christ, ils ne sont plus ce qu’ils étaient. Ainsi, par la foi, ils doivent vivre comme ceux qui ont été lavés, sanctifiés et « justifiés au nom du Seigneur Jésus-Christ, et par l’Esprit de notre Dieu » (6.11).

CONCLUSION

Il est vrai que parfois le ministère pastoral ressemble à un tour de montagnes russes émotionnel et que nous nous accrochons à la vie. Mais il est également vrai que ce sentiment s’explique parfois par des attentes confuses qui conduisent à une incapacité à vivre par la foi dans la tension du déjà et du pas encore.

Nous devrions plutôt considérer la vie chrétienne comme un cheminement. Jésus nous a déjà ouvert la voie, il a atteint la destination finale (Hébreux 12.2). Nous ne sommes pas encore arrivés, mais Christ nous a donné tout ce dont nous avons besoin. Fixons donc nos yeux sur Jésus et courons la course qu’il nous a fixée (Hébreux 12.1), sachant qu’en suivant ses pas, nous ne le suivons pas seulement dans la souffrance, la honte et la mort, mais aussi dans la victoire, la gloire et la vie éternelle.

 


[1] D. A. Carson, « Partakers of the Age to Come », 89-106, in These Last Days : A Christian View of History, édité par Richard D. Phillips et Gabriel N. E. Fluhrer (Phillipsburg, NJ : P&R, 2011), 91.

[2] Ibid.

  


Cet article a été traduit par Timothée Davi.

Cet article a été traduit et publié à l’origine par Revenir à l’Évangile, un ministère situé au Québec. Rendez-vous sur leur site Web pour trouver des ressources similaires.

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